Lu récemment à un festival du livre :
<< Comme marchand de cerveau, j'eus pas mal de succès. La société m'ouvrit ses portes. J'entrais directement à l'étage des salons, et mes désillusions gagnèrent rapidement du terrain. Je dînai à la table des maîtres de la société, avec les épouses et les filles des maîtres de la société. […]
Toutefois, c'était leur matérialisme qui me choquait le plus. Certes, ces femmes magnifiques, magnifiquement habillées, papotaient à propos d'adorables petits idéaux et de chers petits principes moraux mais, malgré leurs papotages, la clé de voûte de leur vie était matérialiste. Et elles étaient si sentimentalement égoïstes ! Elles participaient à toutes sortes d'adorables petites œuvres de charité et le faisaient savoir à tout le monde, alors que la nourriture qu'elles mangeaient, les magnifiques robes qu'elles portaient étaient payées avec des dividendes tachés par le sang du travail des enfants, par la sueur du travail, par la prostitution elle-même. Quand je mentionnais ces faits, naïvement persuadé que ces sieurs de Judy O'Grady se dépouilleraient à l'instant de leurs soieries teintes du sang et de leurs bijoux, elles s'énervaient, se mettaient en colère, et me lisaient des prêches sur le manque d'esprit d'économie, la boisson et la dépravation innée qui étaient cause de toute la misère dans la cave de la société. Lorsque je répondais que je ne voyais pas très bien comment le manque d'esprit d'économie, l'intempérance et la dépravation faisaient travailler un enfant de six ans à moitié affamé douze heures chaque nuit dans une filature du Sud, ces sieurs de Judy O'Grady s'attaquaient à ma vie privée et me traitaient d' « agitateur » - comme si, en vérité, cela mettait un point final à la discussion. >>
("ce que la vie signifie pour moi", Jack London)
lauriane46
Trés belle plume ce "Jack London"! L'extrait choisi nous donne un bel aperçu sur le ton du livre
Cela donne envie de lire ce livre...merci.